Les aurores polaires
Les aurores polaires
Introduction
Les aurores polaires sont des phénomènes d’interaction entre les vents solaires chargés de particules et les hautes couches de l’atmosphère qui produisent des bandes aux couleurs vives ondulant dans le ciel. Sur Terre, dans l’hémisphère nord elles sont dites « boréales », dans le sud on les dit « australes ». On les observe la nuit, aux hautes latitudes, sur Terre comme sur d’autres planètes.
Observation des aurores polaires
- Sur Terre
On les observe dans les régions situées entre 65 et 75° de latitude nord comme sud, pendant une vingtaine de minutes en moyenne. Elles sont visibles la nuit, c'est-à-dire sur la face opposée au Soleil (cela a toute son importance dans la formation des aurores), de préférences sur un ciel dégagé, sans Lune et sans pollution lumineuse. Elles prennent majoritairement des teintes vertes, mais elles sont aussi fréquemment rouges et/ou bleues. Leur couleur et leur forme varient selon que l’on observe le phénomène à son début ou à sa fin.
Beaucoup de photographies d’aurores sont prises dans le domaine du visible, ce qui permet aux humains de les voir lorsqu’elles se produisent. Mais les données scientifiques sont en majorité des clichés faits dans le domaine de l’ultraviolet. En effet, dans ce domaine, on peut voir sur les photographies les gaz de la haute atmosphère briller sous l’action des vents solaires.
- Sur les autres planètes
- Mars et Vénus
Une aurore a été observée en août 2004 par la sonde Mars Express[1]. La planète n’ayant pourtant pas de champ magnétique propre comme la Terre, ce phénomène est dû au champ magnétique crustal, fort sur Mars.
Malgré l’absence de champ magnétique sur Vénus, des aurores sont possibles et ont été observées lorsque des électrons arrivant par des vents solaires rencontrent l’atmosphère sur le côté non éclairé du globe. Cela génère des aurores en patchs de formes et d’intensité lumineuse variées, parfois sur toute la planète.
- Les géantes gazeuses
Sur Jupiter on a observé des aurores, notamment grâce à Rosetta et New Horizon, résultant de l'interaction de particules en provenance du Soleil, mais aussi de Io, et de l'atmosphère jovienne. Cela se passe donc comme sur Terre, avec des pics de luminosité des aurores lors d'éruptions solaires plus violentes. Les spectromètres Alice à bord de chaque sonde devraient fournir des informations plus précises sur ce phénomène[2].
On en a aussi observé sur Saturne, toujours aux pôles.
Comment se forment-elles ?
Des vents solaires chargés de particules électriques sont canalisés dans les lignes de champ magnétique terrestre, côté nuit, et entrent en collision avec les ions de l’ionosphère.
Elles se manifestent sur Terre 18h[3] après une éruption solaire, cette dernière ayant émis un jet de plasma, aussi appelé tempête solaire ou tempête magnétique car ce jet véhicule un champ magnétique. Ces éruptions atteignent un pic d’activité tous les 11 ans environ. Les aurores créées à ce moment ont une étendue spectaculaire : certaines ont été observées jusqu’au Texas lors de la tempête de 1989[4].
Lorsque ce jet de plasma arrive à proximité de la Terre il entre en collision avec la magnétosphère. Les deux champs magnétiques (celui du plasma et celui de la Terre) se combinent et les particules ionisées en provenance du Soleil sont collectées par les lignes de champ magnétique terrestre. Elles sont alors redirigées vers les pôles, sur le côté éclairé du globe. On observe alors une aurore de jour, ce n’est pas une aurore polaire classique.
Lorsque le plasma dépasse les pôles magnétiques de la Terre, la queue de la magnétosphère est comprimée, ce qui éjecte des flux de plasma à très haute énergie. On les nomme « bursty bulk flows » (BBF). Ils sont projetés vers les pôles magnétiques terrestres à une vitesse pouvant atteindre des milliers de km/s (1800km/s mesurés en 2002 lors du passage d’un satellite Cluster dans la queue de la magnétosphère lors d’une sous-tempête) et durent en moyenne 10 à 20 minutes.
Lorsque les BBF atteignent l’ionosphère, ils interagissent avec les ions, cela génère une aurore polaire.
Images tirées du film de la NASA sur les aurores polaires : .Jusque dans les années 60 on considérait qu’il y avait trois phases dans l’activité des aurores, en lien avec la rotation de la Terre :
- Unique arc, fixe, stable. Puis il s’illumine et se déplace rapidement. Début de la nuit.
- Plusieurs arcs qui se déplacent rapidement.
- Patchs qui pulsent et se déplacent. Fin de la nuit.
Ces faits ont été remis en cause par Shun-Ichi Akasofu lorsqu’il observa des images et des films All-Sky de la NASA. Il se rendit compte que le cycle décrit pouvait se répéter plusieurs fois une même nuit ! Il donna donc le nom de « auroral substorm », sous-tempête, ou sous-orage, en français, au développement d’une aurore à l’échelle du cercle polaire entier.
Le phénomène a été directement photographié par des satellites de la NASA, voir figure 2.
Les BBF décrits étaient considérés comme ayant un rôle mineur dans les transferts d’énergie lors des sous-orages. Une étude récente[5] de l’ESA basée sur les 4 satellites Cluster montre qu’ils pourraient avoir un rôle bien plus important, ils pourraient assurer jusqu’à 1/3 du transport de l’énergie totale émise lors des sous-orages (c’est bien au-delà des 5% habituellement prédits !).
En magnétohydrodynamique, les flux de plasmas sont considérés comme un fluide dans son ensemble et non comme des millions de particules. Cette modélisation marche bien pour les observations sur des objets lointains, mais pour la Terre c’est une approximation trop grossière. Désormais on utilise des modèles de cinétique des particules qui donnent des résultats plus précis. Les données collectées en 2002 montrent qu’il existe deux « phases » dans un BBF :
- Un flux d’ions à très hautes énergie et vitesse
- Un flux d’ions à plus faibles énergie et vitesse
Les « aurores noires »
Ce sont simplement des « trous » dans les aurores : des zones où il n’y a pas d’activité aurorale. Cela se produit quand les électrons de l’ionosphère sont éjectés dans l'espace vers des zones de potentiel positif. Lors d'une aurore, ils sont au contraire attirés dans l'ionosphère.
Lors d'une aurore polaire les télécommunications sont perturbées, notamment les communications utilisant des ondes radio. En effet les ondes radio sont des ondes de grande longueur d'ondes qui circulent dans les hautes couches de l'atmosphère. Cette dernière étant le lieu d'interaction du plasma en BBF et des ions, elle a un comportement anormal lors d'une aurore et les ondes circulent mal, voire ne circulent plus. A l'occasion des fortes tempêtes solaire (ou orages magnétiques) les aurores sont visibles jusqu'à de basses latitudes, les télécommunications sont donc rendues impossibles à très large échelle, on citera l'exemple de la tempête de 1989 qui perturba les émissions radio en Europe[6].
Origine des couleurs
Lors de l'arrivée des BBF dans l'ionosphère, les atomes de cette dernière sont excités par l'énergie apportée. Ils passent donc à un état transitoire instable, lors du retour à l'état stable ils émettent un photon. Les photons sont émis dans des longueurs d'ondes précises, correspondant à l'état d'excitation mais aussi à l'atome émetteur. Par exemple l'oxygène émet des photons dans le domaine du vert et du rouge, l'azote dans le bleu et le rouge, l'atmosphère étant principalement constituée de ces deux gaz, cela explique les couleurs observées.
Peut-on les prévoir ?
A priori oui : il suffit de connaître l'activité de surface du Soleil et de faire des calculs de temps de trajet vers la Terre (ce que des physiciens chevronnés feront de bon coeur). Mais si vous voulez éviter des pages et des pages de calculs, les Norvégiens ont mis au point une application gratuite pour Smartphone pour avoir les prédictions aurorales en direct!
Conclusion
Les aurores polaires sont des phénomènes relativement courants dans le système solaire, observés sur Terre depuis toujours, mais pourtant mal compris dans les détails. Elles résultent toujours de l'interaction de deux champs magnétiques (celui de la planète et celui émis par le Soleil dans l'espace lors d'orages magnétiques) et des gaz atmosphériques. Selon les gaz présents dans l'atmosphère elles prendront des teintes variées. Leur apparition est prévisible, il suffit pour cela de surveiller de près l'activité solaire.
À suivre :
- une forte activité solaire est prévue pour les trois ou quatre années à venir, on pourra donc observer des aurores plus fréquemment et surtout à de plus basses latitudes que d'ordinaire!
- le lancement en juin 2013 de la mission Swarm[7] de l’ESA pour comprendre au mieux les interactions Soleil - champ magnétique terrestre.
Sites web visités :
http://sci.esa.int/science-e/www/object/index.cfm?fobjectid=51651
http://www.esa.int/Our_Activities/Space_Science/Mars_Express/Mars_Express_discovers_aurorae_on_Mars
http://www.nasa.gov/mission_pages/themis/auroras/substorm_history.html
http://fr.wikipedia.org/wiki/Aurore_bor%C3%A9ale#La_formation_des_aurores
http://www.unis.no/20_RESEARCH/2050_Arctic_Technology/introduction.htm
http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/70909.htm
[1] http://www.esa.int/Our_Activities/Space_Science/Mars_Express/Mars_Express_discovers_aurorae_on_Mars
[2] http://www.esa.int/Our_Activities/Space_Science/Rosetta/Rosetta_and_New_Horizons_watch_Jupiter_in_joint_campaign
[3] http://www.nasa.gov/multimedia/videogallery/index.html?media_id=97423582
[4] http://www.solarstorms.org/SWChapter1.html
[5] http://sci.esa.int/science-e/www/object/index.cfm?fobjectid=51651
[6] http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89ruption_solaire_de_1989
[7] http://www.esa.int/About_Us/ESA_Publications/ESA_BR-302_Swarm_ESA_s_Magnetic_Field_Mission
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Vraiment très instructif ! ^^ J'aurais aimé poser quelques questions.
Premièrement, tu dis que les aurores de Jupiter peuvent provenir de l'interaction de particules venant d'Io avec l'atmosphère de cette planète. Comment un satellite si petit par rapport à Jupiter et n'émettant pas de plasma peut-il avoir une pareille influence ?
Deuxièmement, sais-tu à quoi correspondent les deux phases des BBF récemment établies ? Quelles sont leurs implications dans la mise en place de l'aurore ? Peut-être ne le sait-on pas encore ?